Le tri à la source des déchets en entreprise : comprendre, agir, s’engager

La gestion des déchets en entreprise est devenue un enjeu majeur, à la fois environnemental, économique et réglementaire. Face à l’urgence climatique et à la nécessité de préserver les ressources naturelles, le tri à la source s’impose aujourd’hui comme une démarche essentielle pour les entreprises de toutes tailles.

Dans cet article, nous retracerons l’évolution de la réglementation liée au tri à la source des déchets en entreprise, avant de proposer des conseils concrets pour sa mise en œuvre au quotidien.

1. Évolution de la réglementation : du simple déchet à la valorisation

Des débuts timides à une prise de conscience progressive

L’intérêt porté aux déchets n’est pas nouveau. Dès les années 1970, la France commence à encadrer la gestion des déchets, notamment après les crises environnementales et sanitaires liées à leur accumulation. Toutefois, ces premières réglementations restent générales et peu contraignantes pour les entreprises.

C’est avec la loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux que l’on introduit pour la première fois des principes clés comme la responsabilité des producteurs de déchets. Mais il faudra attendre plusieurs décennies pour que le tri à la source soit réellement inscrit dans la loi.

Loi Grenelle et structuration du tri

La loi Grenelle I (2009) et Grenelle II (2010) marquent une avancée importante. Elles fixent des objectifs de réduction, de recyclage et de valorisation des déchets. Le principe de « pollueur-payeur » est renforcé, tout comme le rôle des collectivités et des entreprises.

Le concept de tri à la source commence à prendre forme dans les textes, notamment pour les déchets dangereux et spécifiques. Mais à cette époque, l’obligation reste limitée aux plus gros producteurs.

2016 : le cap du tri à la source pour tous les professionnels

C’est véritablement avec le décret n°2016-288 du 10 mars 2016, relatif au tri des papiers, cartons, plastiques, métaux, bois et verre – aussi connu sous le nom de « décret 5 flux » – que les choses changent.

Ce décret impose à toute entreprise produisant plus de 1 100 litres de déchets par semaine de mettre en place un tri à la source de cinq types de déchets :

  1. Papier / carton
  2. Métal
  3. Plastique
  4. Verre
  5. Bois

L’objectif est double : faciliter le recyclage en séparant les déchets dès leur production, et responsabiliser les entreprises dans leur gestion quotidienne.

Loi AGEC (2020) : accélération de la transition

La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), promulguée en février 2020, va encore plus loin. Elle introduit de nouvelles obligations de tri, notamment :

  • L’extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages.

  • L’interdiction de l’élimination des invendus non alimentaires.

  • Le développement du tri des biodéchets à la source.

Elle fixe aussi des objectifs de réduction de l’utilisation du plastique à usage unique, ce qui pousse les entreprises à repenser leur logistique et leurs achats.

2024-2025 : tri des biodéchets obligatoire

Depuis le 1er janvier 2024, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ont l’obligation de trier à la source leurs biodéchets (restes alimentaires, déchets de cuisine, déchets verts…). Cette mesure touche particulièrement les établissements de restauration, les commerces alimentaires et les bureaux qui disposent de cantines.

2. Pourquoi trier à la source en entreprise ?

Des bénéfices multiples

Mettre en place le tri à la source, ce n’est pas seulement répondre à une obligation légale. C’est aussi :

  • Réduire les coûts : Le tri permet souvent de diminuer les volumes de déchets à collecter et à traiter, donc les frais liés à la gestion des déchets.

  • Valoriser l’image de l’entreprise : Montrer son engagement pour l’environnement est aujourd’hui un véritable levier de communication interne et externe.

  • Impliquer les salariés : Les collaborateurs sont de plus en plus sensibles à l’écologie. Une politique de tri bien menée renforce leur implication.

  • Préparer l’avenir : Le cadre réglementaire continuera d’évoluer. Les entreprises qui anticipent s’adaptent mieux aux nouvelles exigences.

3. Comment mettre en place un tri à la source efficace en entreprise ?

1. Réaliser un état des lieux

Avant toute chose, il est essentiel de comprendre la situation actuelle :

  • Quels types de déchets sont produits ?
  • En quelles quantités ?
  • À quels endroits sont-ils générés ?
  • Sont-ils actuellement triés ou mélangés ?

Un audit déchets permet de répondre à ces questions. Il peut être mené en interne ou confié à un prestataire spécialisé.

2. Identifier les filières de valorisation

Chaque type de déchet a sa filière :

  • Papier, carton : recyclage en papeterie.
  • Plastique : transformation en granulés ou nouveaux objets.
  • Verre : refonte en nouvelles bouteilles.
  • Bois : recyclage en panneaux ou valorisation énergétique.
  • Métaux : refonte dans les aciéries.
  • Biodéchets : compostage, méthanisation.

Se rapprocher des prestataires de collecte ou des éco-organismes permet de mettre en place les bons circuits.

3. Installer les équipements adaptés

Le tri ne peut se faire efficacement sans une organisation matérielle adaptée :

  • Poubelles de tri identifiables et accessibles.
  • Signalétique claire (couleurs, pictogrammes, affiches).
  • Espaces de stockage temporaires pour les déchets triés.

Il est important que les équipements soient visibles, propres et simples d’usage pour inciter les salariés à les utiliser correctement.

4. Former et sensibiliser les équipes

Même avec les meilleures intentions, le tri ne fonctionne pas sans une implication collective. Il est donc nécessaire de :

  • Informer régulièrement les équipes sur les consignes de tri.
  • Former les nouveaux arrivants.
  • Organiser des ateliers ou animations pour maintenir l’intérêt.
  • Nommer des référents déchets dans chaque service.

5. Suivre et améliorer

Le tri n’est pas une action ponctuelle, mais un processus continu. Il est utile de :

  • Mesurer les quantités triées et les comparer dans le temps.
  • Identifier les erreurs fréquentes et adapter la communication.
  • Réajuster les équipements si nécessaire.
  • Réaliser un bilan annuel pour rendre compte des progrès réalisés.

4. Exemples concrets et bonnes pratiques

TPE/PME

Une petite agence de communication parisienne a mis en place des bacs de tri pour papier, plastique et biodéchets dans ses bureaux. Grâce à une signalétique ludique et à des animations internes, elle a réduit de 40 % ses déchets résiduels en 6 mois.

Industrie

Une entreprise agroalimentaire en Bretagne a mis en place une politique ambitieuse de tri des biodéchets, qui sont désormais valorisés en méthanisation dans une unité locale. Résultat : réduction des coûts de traitement et valorisation énergétique.

Bureaux en coworking

Dans un espace partagé à Lyon, un tri sélectif a été mis en place avec des consignes traduites en plusieurs langues pour les occupants internationaux. L’installation de composteurs collectifs a également renforcé la démarche écologique du site.

5. Obstacles courants et solutions

ObstacleSolution proposée
Manque d’espaceUtiliser des bacs compacts, mutualiser avec d’autres entreprises du site
Manque d’implication du personnelMener des campagnes de sensibilisation régulières
Méconnaissance des consignesAffiches visuelles et simples, formations pratiques
Complexité des déchetsTravailler avec un prestataire de gestion spécialisé
Coût initialChercher des aides publiques ou mutualiser les coûts

Conclusion : une démarche gagnante à tous les niveaux

Trier à la source les déchets en entreprise n’est plus une option : c’est une obligation légale, une responsabilité environnementale et une opportunité économique. Qu’il s’agisse de papiers, de plastiques, de biodéchets ou de verre, chaque geste compte.

La clé du succès repose sur une combinaison d’organisation, de sensibilisation et de suivi régulier. Les entreprises qui s’engagent dans cette voie ne font pas que réduire leur impact écologique : elles construisent une culture d’entreprise plus responsable et durable.

Il est temps d’agir, pas seulement pour respecter la loi, mais pour participer activement à la transition écologique. Car le tri à la source, c’est l’affaire de tous — et surtout, c’est l’avenir.